Présentation : Miriam R. Krüger

Miriam R. Krüger, poétesse, dessinatrice, artiste plurielle est active dans les milieux artistiques et littéraires au grand-duché et à l’étranger. Ses premières publications se sont faites entre 1997 et 2001 dans le magazine Apertura (grand-duché de Luxembourg). Elle a publié plusieurs recueils de poèmes multilingues : Sentir (2010), Potpurri (2011) et Ego (2011). En 2017 sort son livre d’artiste Heartist : poésie visuelle, un mélange de compositions graphiques et de textes en trois langues.

En 2011, elle est nommée poète ambassadrice au Luxembourg par le Mouvement international des femmes poètes et organise depuis annuellement au mois de mars l’événement artistico-littéraire « Cri de femme », en hommage aux femmes victimes de violences.

En 2015, elle est incluse dans le Dictionnaire des auteurs luxembourgeois.

En 2016, elle est invitée au Printemps des poètes de Vittel (France).

À partir de 2016, elle invite régulièrement des acteurs du milieu culturel au grand-duché à apporter leurs témoignages ou réflexions sur le sujet de la violence faite aux femmes. En 2018, les textes recueillis font l’objet d’un projet audiovisuel intitulé Tous unis dans un même cri.

Photo : Paulo Lobo

« J’ai pensé »

J’ai pensé ouvrir les portes de ta poitrine
À deux battants,
Entrer sans annoncer.
J’ai pensé déchirer
Les murs de ton âme
Jusqu’à les rendre
Fragiles comme le cristal
Entrer dans ton cœur
Le frapper,
Le griffer
Jusqu’à le voir saigner,
Mais après avoir ouvert
Les portes de ta poitrine
Et cherché péniblement
Je me suis rendu compte
Que tu n’avais
Ni âme ni cœur.

Vorstellung: Anna T. Szabó

Poet, writer, translator. She was born in Transylvania (Romania) in 1972, moved to Hungary in 1987, studied English and Hungarian literature at the University of Budapest, and received her PhD in 2007. She has published nine volumes of poetry for adults and seven for children, written ten plays, and has received several literary prizes. She has translated many poems and lyrics, essays, novels, drama, radio plays and librettos, occasionally writes essays, articles and reviews, and took part in the popular literary competition series in television (Nyugat, Szósz, Lyukasóra). She also performs poetry together with several jazz and classical musicians, while working as a freelance writer and translator. She lives near Budapest with her husband the novelist György Dragomán and their two sons.

„Verläßt mich”

Sie verrät und verläßt mich.
Sie stößt mich aus und verläßt mich.
Nährt mich aus sich und verläßt mich.
Wiegt mich, verläßt mich.
Streichelt mir die Sohlen, putzt mir den Po,
kämmt mir das Haar und verläßt mich.
Ich trink’ ihren Duft, sie drückt mich an sich:
„Ich verlasse dich nie” und verläßt mich.
Sie heuchelt, lächelt: „Hab keine Angst!”
Ich friere, hab Angst – sie verläßt mich.
Sie legt sich abends zu mir auf das Bett,
dann schleicht sie davon und verläßt mich.
Groß ist sie, warm, mein lebendiges Nest,
sie küßt mich summend, verläßt mich.
Sie füllt mir die Hände mit Zuckerwerk,
hier, nimm und iß – und verläßt mich.
Ich heule und tobe, drück sie an mich,
halte, haue und doch: sie verläßt mich.
Sie verschließt die Tür und blickt nicht zurück,
ich bin ein Nichts, wenn sie mich verläßt.
Ich warte auf sie wie ein zitterndes Tier,
sie kommt, umhalst und verläßt mich.
Ich will sie, das Leben ist Tod ohne sie,
sie hebt und wärmt und verläßt mich.
Ihr Arm ist schwer, doch ihr Schoß ist mein Haus,
ich will nur sie – sie verläßt mich.
Eins muß ich lernen, ich bin nicht sie,
fremd ist sie, fremd, und verläßt mich.

Weit ist die Welt, du wirst schon erwartet.
Du findest schon eine, die du verläßt.
Schließe die Tür und blick nicht zurück:
warten ist leichter, fahren ist schwer,
eine verrät dich, eine verwaist,
eine wird warten, eine sich fürchten,
eine geht immer ohne Wiederkehr,
die dich gebiert und stirbt und verläßt dich.

aus dem Ungarischen von György Buda

Présentation : Carla Lucarelli

Carla Lucarelli, née en 1968 à Luxembourg. Études de lettres françaises et d’histoire de l’art, parallèlement, études théâtrales. Cinq de ses poèmes paraissent dans l’anthologie La poésie érotique féminine française contemporaine (Paris, 2011). En 2012 paraît aux éditions Phi Aquatiques, son premier recueil de poésie. Dekagonon, paru en 2016, est quant à lui un recueil de poésie bilingue (allemand et français). En 2013, elle signe à la fois Terrains vagues, un recueil de 22 récits courts, et son premier roman, Carapaces. En 2017 paraît La Disparition de Wanda B, son deuxième roman.

« Mouvement 6 »

Une pierre
La regarder
Remuer
Faire des vagues
Se répandre dans l’eau froide
Étendre ses plis
Réagir aux secousses
Et se répandre
Se dissoudre
Soi-même
Au loin
Dans ces vagues
S’en aller

Présentation : Mia Lecomte

Mia Lecomte vit entre Viareggio et Paris. Elle est poète et auteure de textes pour le théâtre et pour les enfants. Parmi ses dernières publications : les recueils poétiques Intanto il tempo (2012) et Al museo delle relazioni interrotte (2016) ; le livre de récits Cronache da un’impossibilità (2015) ; et le livre pour les enfants L’altracittà (2010). Ses poèmes ont été publiés en Italie et à l’étranger dans de nombreuses revues littéraires et anthologies, et en 2012 chez l’éditeur canadien Guernica a paru le choix bilingue de ses poèmes For the Maintenance of Landscape.

En 2009, elle a créé la Compagnia delle poete, dont elle fait partie, un groupe théâtral de poètes étrangères italophones, qui font des performances poétiques basées sur la contamination des langues et des cultures, ainsi que sur des langages artistiques différents.

Elle est critique littéraire dans le domaine de la de la littérature transnationale italophone, à laquelle elle a dédié l’essai Di un poetico altrove. Poesia transnazionale italofona (1960-2016) (2018) ; elle est la curatrice des anthologies Ai confini dei verso. Poesia della migrazione in italiano (2006), A New Map. The Poetry of Migrant Writers in Italy (2011), Sempre ai confini del verso. Dispatri poetici in italiano (2011).

Elle est rédactrice de la revue semestrielle de poésie comparée Semicerchio et elle collabore à l’édition italienne du Monde Diplomatique.

Elle crée en 2017 l’agence littéraire transnationale Linguafranca.

Photo : Enzo Cei

« Barbapapa »

Il remonte à lui-même depuis l’une de ses courbes roses
et reprend lentement son image de père après
avoir été treuil, clou, botte
mur, sur mur, sur mur, sur mur
le fil de fumée attaché au bouton
il retourne libre à sa graine inhumaine
lui qui a été ours, passereau, anguille
mouche, lézard, quelque microbe guépard
son action plus d’une fois risible
Rachète sa famille de mâle
avec son épouse plus que noire et ses enfants de sept couleurs
mais il a désormais été oreille, front, thorax
une fesse jumelée à l’autre, le genou
plié sur l’hallux, le petit doigt, un poil retroussé
de pubis, la voix au-dessus de la lèvre nasale
il se retrouve lui-même confit dans son nom
recouvert de plusieurs couches de rose
il use d’arguments divers pour donner à ses proches
l’idée d’une hypothèse molle qu’il s’agit de dissiper
quoi qu’il en soit dans les passages
s’employer à dissiper encore

Présentation : Amandine Marembert

Amandine Marembert est née en 1977. Elle vit à Montluçon, dans le centre de la France, où elle enseigne le français. Elle anime depuis 1998 la revue et les éditions Contre-allées avec Romain Fustier. Elle a reçu des bourses d’écriture du Centre National du Livre en 2005 et en 2009. Elle a été lauréate du prix des Trouvères des lycéens en 2009, du prix Jean Follain en 2014 et du prix des Découvreurs en 2018. Elle aime travailler avec des plasticiennes, notamment Valérie Linder, Diane de Bournazel, Audrey Calleja. Elle est attentive aux regards, aux gestes qui nous accompagnent et à leur transmission. Elle interroge la signification des silences. Le jardin l’habite entièrement. Un jour elle a dit : « En écrivant, je voudrais parler un peu la langue du linge pour tourner et retourner les voix, suivre leurs intimes plis, les étendre au fil et les entendre bruire au jardin. »

Entrebâillements, La Porte, 2002.
Elle(s) si tant est que, Les Carnets du Dessert de Lune, 2005.
Il pleut dans la chambre cette nuit, préface de Vénus Khoury-Ghata, Décharge & Gros Textes, collection « Polder », 2006.
Il a plus qu’un papillon de nuit, La Porte, 2007.
À perpète, Pré carré, 2007.
Ce train  n’accueille pas de voyageurs, Les Carnets du Dessert de Lune, 2008.
L’ombre des arbres diminue à certaines heures du jour, Wigwam, 2008.
Toboggans des maisons, illustrations d’Audrey Calleja, L’Idée bleue & Cadex, collection « Le Farfadet bleu », 2009.
Du baume stick dans la douceur, illustrations de Valérie Linder, La Yaourtière, 2009.
Mon cœur coupé au sécateur, Henry & Ecrits du Nord, 2009. (prix des Trouvères des lycéens)
Coquelillages, Le Chat qui tousse, 2009.
Un petit garçon un peu silencieux, dessins de Diane de Bournazel, Al Manar, 2010.
Chambres, Ficelle, illustrations de Claire Laporte, 2010.
N’écris plus je ne répondrai pas, illustrations de Valérie Linder, Le Frau, 2011.
Les corps oublient-ils ?, peintures d’Aaron Clarke, Centrifuges, 2012.
Neige tremblée, La Porte, 2012.
L’amour le jardin, Pré Carré, 2012.
Je fleuris la terre ma robe, Le Petit Pois, 2013.
Et s’il ne parlait pas ?, Les Arêtes, 2013, réédition, 2014. (prix Jean Follain 2014)
Les gestes du linge, illustrations de Valérie Linder, Esperluète, 2014.
Les cerises ne sont pas des lèvres, illustrations de Diane de Bournazel, Al Manar, 2014
Renouées, avec des poèmes et des monotypes de Luce Guilbaud, préface de Marie Huot, Le Petit Pois, 2014
Une et plusieurs, illustrations de Valérie Linder, Donner à voir, 2014
Taille-douce (tu as ouvert une fenêtre dans ma haie),Le Petit Flou, 2014
Une eau sans bord, illustrations de Valérie Linder, Le Frau, 2015.
Né sans un cri, Les Arêtes, 2016 (Prix des Découvreurs 2017-2018)
C’est des poèmes ?, illustrations de Valérie Linder, Cadex, 2016.
Brique pilée, avec Romain Fustier, La Porte, 2017.
Fable élémentaire, avec Valérie Linder, Dès ce matin éditions, 2018.
Patienter le temps, avec Valérie Linder, Dès ce matin éditions, 2018.

Photo : Michel Durigneux

les oiseaux vont boire le soir par nuées à la rivière
le chat dort en rond dans un creux de paille
un grand lièvre et un chevreuil ont croisé nos phares
les bêtes nous creusent

Présentation : Ana Marques Gastão

Ana Marques Gastão (Lisbonne, Portugal) est poétesse, essayiste, auteure, entre autres, de Nós/Nudos – 25 poemas sobre imagens de Paula Rego (2004, traduit en français sous le titre Noeuds par Catherine Dumas, Fédérop, 2007), Lápis Mínimo (Un bout de crayon, 2008), Adornos (Atours, 2011), L de Lisboa (L de Lisbonne, 2015) et O Olho e a Mão ( L’oeil et la main) avec Sérgio Nazar David (7/Letras 2018). Elle a publié As Palavras Fracturadas (Les Mots fracturés, essais, 2013). Certains de ses poèmes ont été traduits en castillan, catalan, anglais, français, allemand, slovène et roumain.

Elle a organisé le livre d’entrevues O Falar dos Poetas (La Parole des poètes,2011), et a assuré l’édition du volume d’essais d’Ana Hatherly, Esperança e Desejo – Aspectos do Pensamento Utópico Barroco (Espoir et désir. Aspects de la pensée utopique baroque, 2017) dont elle a écrit la préface. Elle coordonne la revue Colóquio-Letras de la fondation Calouste Gulbenkian.

Chercheuse auprès du CLEPUL (Centro de Literaturas e Culturas Lusófonas e Europeias da Faculdade de Letras da Universidade de Lisboa – Centre de littératures et cultures lusophones et européennes de la faculté des lettres de l’université de Lisbonne) et avocate, elle est diplômée de l’Université catholique du Portugal et a été rédactrice culturelle pendant plus de vingt ans.

Photo : Ana Oswaldo Cruz

« Blanc »

Pour une fois raconte comment le corps s’ajuste à la surface
de tes mots. Parle d’un après antérieur, de ce sommeil
dément dans la fissure de la lumière ; du vol violent, de la blessure
cyclique, l’absence insistant sur la peau quand à une heure indue
tu parfumes mes mains. La chaleur s’étend aux lèvres,
l’été simule la durée dans le vers, l’eau circule, vigoureuse
au fond du puits jusqu’à disparaître dans le lit muet.
Rien n’est ce qu’il paraît, on se souvient de ce qu’on oublie et je dis :
les doigts nus dissolvent en ta bouche le miel à fleur
d’épaves. Regarde-moi : pose ton regard sur ma robe, enlève-la moi
en un geste d’ivresse précipité comme à un prisonnier,
les poissons montent lestes dans le lac immodéré et la nuit revient,
lente, endormie. Je te donne ce que je n’ai – l’histoire
d’un fleuve exultant qui explose dans la bouche en version romantique,
poème dépourvu de sillons tragiques ou de discours complets. Et toi,
tu me donnes ce que je suis : métaphore hurlant son mal là où s’achève le texte.

Nós/Nudos, Gótica, 2004, (« Noeuds »), éd. Fédérop, 2007. Traduction : Catherine Dumas

Présentation : Eduard Escoffet

Barcelone, 1979

Poète et agitateur culturel. Il a pratiqué plusieurs sortes de poésie (visuelle, écrite, installation, orale, action poétique), mais son travail se concentre sur la poésie sonore et le récital en direct. En plus de son activité sur la scène contre-culturelle barcelonaise, il a présenté son travail dans des festivals de poésie partout en Europe, mais aussi en Chine, en Afrique du Sud, aux États-Unis et dans plusieurs pays d’Amérique latine.

Il est cofondateur du collectif « projectes poètics sense títol – propost.org » (1996-2016). Il a codirigé le festival international de poésie Barcelona Poesia entre 2010 et 2012 et a dirigé le festival de pratiques poétiques actuelles PROPOSTA du Centre de Cultura Contemporània de Barcelona (2000-2004). En parallèle, il a travaillé aussi en tant que conseiller pour la politique culturelle.

Il a publié les livres de poésie Gaire (2012) (Peu), El terra i el cel (« Le sol et le ciel », 2013) et Menys i tot (« Encore moins », 2017), ainsi que le livre d’artiste Estramps amb Evru (« Estramps avec Evru », 2011). Avec le groupe de musique électronique Bradien, il a sorti deux disques, Pols (2012) et Escala (2015), et a été, avec Eugeni Bonet, commissaire du cycle de cinéma Próximamente en esta pantalla. El cine letrista, entre la discrepancia y la sublevación au MACBA, Barcelone (« Prochainement sur cet écran. Le cinéma lettriste, entre désaccord et soulèvement », 2015). Il est coauteur des pièces de théâtre ¡Wamba va! (avec Gerard Altaió, Josep Pedrals et Martí Sales, 2005), Puaj./Ecs. (avec Gerard Altaió et Josep Pedrals, 2005) et La Belbel Underground (avec Carles Hac Mor et Gerard Altaió, 2006).

Photo : Marta Huertas & Dídac Rocher

« le sol et le ciel »

dessine deux lignes horizontales, parallèles.
commence par celle d’en bas.
 
laisses-y, au milieu
assez d’espace pour respirer, pour mourir.
 
déshabille l’œil.
risque-toi à ne pas dire la tienne.

traduction : Jelena Bulić et Màxim Serranos Soler

http://propost.org/escoffet

http://youtube.com/txtstate

Présentation : Laurence Vielle

Laurence Vielle (Bruxelles, 1968) est une poétesse et comédienne belge.
Après des études universitaires et artistiques (philologie romane, grande distinction, UCL 1989, prix supérieur d’art dramatique et de déclamation, conservatoire Royal de Bruxelles, 1989-1993), elle écrit-dit ; pour elle, la poésie est une affaire d’oralité. Elle glane les mots des autres et les siens. Ce sont ses tambours, elle tente d’y accorder son cœur.

Elle a reçu dernièrement le grand prix de l’académie Charles Cros dans la catégorie « livre-disque » pour Ouf, paru aux éditions Maelström en 2015, le prix de consécration littéraire de la Scam Belgique en 2016, le prix des Découvreurs, en 2017, le prix de la critique en 2018 pour la meilleur autrice, texte du spectacle burning. Elle écrit pour la scène, pour la radio, toujours pour l’oreille.

Tour à tour comédienne, écrivaine, diseuse, elle crée des spectacles et des performances, à partir, entre autres, de paroles écrites et glanées lors de résidences d’écriture dans des endroits pour la plupart citadins.

Quelques rencontres essentielles à son chemin : Monique Dorsel, Pietro Pizzuti, Ernst Moerman, Théodore Monod, David Giannoni, Valère Novarina, Claude Guerre, Laurent Fréchuret… et les musiciens qui cheminent avec elle, Vincent Granger Catherine Graindorge, Bertrand Binet…

Elle a été poétesse nationale en 2016-2017, une tentative poélitique de dérider en Belgique les frontières linguistiques et rendre compte, par la poésie, de l’actualité du pays.

Dernièrement, en 2017, elle a publié Ancêtres, en partenariat avec Europalia Indonésie, et en 2018, le livre-CD Domo de poezia, tous deux aux éditions Maelström.

Elle sera l’artiste en résidence à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve en 2019-2020.

https://www.arte.tv/fr/videos/081756-000-A/poesie-sur-demande-dans-le-metro-parisien

« Et vive la bôté ! »

refrain
Et vive la bôté dé dé dé démesurée
à bas les corps for for formatés
à bas l’académisme de la côté
la bôté sté sté sté stéréotypée

Vive les genoux qui dérapent et les jambes qui boitent
faites défiler la perfection de vos imperfections
ne soyez pas une star soyez une galaxie
ne soyez pas la miss univers
soyez la miss terre la miss astrale
ne râpez pas votre menton ne limez pas vos hanches
que vivent les touts petits petons et les nez mirlitons
explorez les capacités insensées de votre corps animal
vive les ventres ronds
laissez respirer vos formes et vos narines ouvrez vos pavillons
jouez des globes dans tous les sens pagaillez vos cheveux
claquez de la langue et salivez vos postillons

Laissez flotter les poils de votre dos comme une cape de Zorro
mettez des rubans dorés sur vos rondeurs
qu’ils soient petits vos lolos ou gros tout gros
de toutes façons que vivent vos mamelles
et vos dents en avant qu’elles claquent dans le vente
et vos bouches de travers laissez-y entrer l’air
ne camouflez pas vos imperfections
elles sont votre respiration
d’ailleurs il n’y a pas pas pas pas pas pas d’imperfection
toute votre épopée danse danse et modèle votre peau !

Vorstellung: Isabella Breier

Isabella Breier, *1976 in Gmünd/Niederösterreich; wohnt in Wien.
Studium Philosophie/Germanistik, Promotion in Philosophie (Dissertation erschien als Buch: Dimensionen menschlicher Sinnstiftung in der Praxis. Zwischen Erkenntnis- und Kulturtheorie: Zur Poiesis, Ethik und Ästhetik in Cassirers Philosophie der symbolischen Formen und Wittgensteins Sprachspielbetrachtungen. Wien 2006); Dozentin für Deutsch als Zweit- u. Fremdsprache; zahlreiche Lyrik- und Prosaveröffentlichungen in Anthologien und Zeitschriften; diverse Preise, Stipendien
www.literaturport.de/Isabella.Breier

Literarische Publikationen:

  • 101 Käfer in der Schachtel. Ihr Verschwinden in Bildern. 2007 (Kitab)
  • Interferenzen. Erzählungen, Kurz- und Kürzestgeschichten. 2008 (Kitab)
  • Prokne & Co. (Eine Groteske.) 2013 (Kitab)
  • Allerseelenauftrieb. (Ein Klartraumprotokoll). 2013 (Mitterverlag)
  • Anfang von etwas. (Reihe: Jensen, Vyoral, Treudl (Hg.): Neue Lyrik aus Österreich). 2014
  • DesertLotusNest. Anmerkungen zur „Poetik des Phönix“. Ende 2017 (Bibliothek der Provinz)

Forthcoming:

  • mir kommt die Hand der Stunde auf meiner Brust so ungelegen, dass ich im Lauf der Dinge beinah mein Herz verwechsle (Lyrik). Frühling 2019 (fabrik.transit – Edition für Literatur und Kunst)

„nachts werden Schatten der Bäume
zu Zugvögeln“

die treiben der Welt eine Weite zu,
die ihr nicht zukommt

hinter der Weite
sterben die Fliegen
wie Menschen

all das Schlachten
vorm Wort,
das gar nichts kann

unangemessener Atemstillstand
ausgerechnet
beim schweinchenrosa Sonnenaufgang

Présentation : Simon Raket

Simon Raket est né il y a quarante deux ans à Bruxelles.

Après une jeunesse hip-hop et tumultueuse, il sera formé par Frédéric Dussenne aux Conservatoires royaux d’art dramatique de Bruxelles et de Mons, dont il sortira en 1998 avec un premier prix en poche.

Après avoir joué durant quelques années dans différents théâtres et compagnies bruxelloises, Simon s’exile à Liège, puis dans le fond de l’Ardenne, sans doute pour fuir la ville, le brasier… et trouver le calme.

Pendant 15 ans, sa vie se divisera en deux parties entre le cinéma (assistant-réalisateur pour Bouli Lanners, Lucas Belvaux, Philippe Falardeau…) et l’organisation d’ateliers, destinés à des personnes considérées comme « en difficulté sociale », utilisant le cinéma de création collective comme vecteur d’insertion.

Et toujours, l’écriture. Constamment, compulsivement.

Des mots rythmés, taillés dans la roche pour être crachés dans le cœur des gens.

Bien que caché au fond de l’Ardenne belge, le hip-hop finira par le rattraper en 2012, lorsqu’il rejoindra le combo Rap-Jazz SPEAKEASY, big band rassemblant 7 jazzmen et 11 MC’s, et aujourd’hui malheureusement disparu.

En 2015, Simon sera lauréat du prix littéraire « Paroles Urbaines » de la Fédération Wallonie-Bruxelles, champion de Belgique et vice-champion d’Europe de slam.

Simon dirige aujourd’hui Lezarts Urbains, la plus ancienne structure de soutien au mouvement hip-hop en Belgique.

Trois secondes

Au début de la première seconde avant que la tôle ne gronde,
Que dans un long glissement vrombissant le monde ne fonde dans l’ombre, j’ai ouvert les yeux.
J’ai ouvert les yeux et la calandre du camion se jetait devant moi, aveuglante et énorme comme une falaise de baie de somme, un Cap blanc-nez se ruant sur moi, couleur grand blanc mangeur d’homme juste devant mes mains sur le volant.
Mon pied a commencé sa course vers le plancher et lentement, j’ai vu mes lunettes quitter l’arrête de mon nez est traverser l’habitacle comme en apesanteur…
je me suis dit… c’est comme ça ?
C’est comme ça que ça qu’ils finissent, mes 120 kg de viande ?
Mes humeurs intérieures entre carter et radiateur, NON MAIS QUELLE FIN DE MERDE, PUTAIN !
ça valait bien le coût d’arrêter de fumer !
ça valait bien le coût de flipper comme un malade à l’idée d’avoir 40 ans,
ça valait bien le coup les errements, les erreurs, les envies, les projets,
ça valait bien le coût les lendemains qui chantent, retaper la salle de bain pour ne pas la finir, ça valait bien le coût de se battre à coup d’avocats hors de prix contre ces enculés de l’électricité!
Ça valait bien le coup de bosser comme un malade pour aller s’endormir comme un con au volant!
Quand je pense que j’ai même pas bu…
J’aurais voulu des bitures par paquets,
d’la bombe de dancehall et des banquets
À 2h30 sur la E40, ce que mon avenir peut me manquer…
Au début de la 2ème seconde, tandis qu’autour de moi la tôle grondait
le monde explosait dans les pattes tandis que mon pare-brise éclatait, a l’instant précis où mes lunettes venaient s’y écraser
Je me suis dit « on dirait que c’est les lunettes qui ont pété le pare-brise, c’est marrant »…
Je me suis dit pourquoi, putain?
Pourquoi pas d’un bête cancer de con, de la prostate ou du colon, pourquoi j’ai passé autant de nuits à cultiver des salades sur mon GSM au lieu d’écrire ce grand roman révolutionnaire que je m’étais promis de donner au monde,
pourquoi j’ai jamais fait l’amour avec deux femmes à la fois,
pourquoi j’ai jamais été foutu de sortir un putain d’album?
Quelqu’un peut m’expliquer ce que je vais foutre avec mes 12 600 points carrefour
et comment j’ai fait mon compte pour avoir si peur de devenir vieux ??
Abruti !
Je veux devenir vieux, la putain d’sa mère !
Je prends tout ! Je prends le Parkinson, les couches culottes et l’Alzheimer
Je veux me baver dessus, sucer des bombons imaginaires,
Je veux devenir un poids pour tout le monde, qu’on sache plus ou me foutre et que mes arrières petits enfants se demandent quand est-ce que le vieux va bien pouvoir crever.
Au début de la troisième seconde,
Tandis qu’autour de moi le monde s’éteignait
tandis que le dossier brisé de mon siège à travers le volant me projetait
J’ai pensé à la mer, ma belle
à ton corps, au ciel
À la saveur de la crème sur tes coups d’soleil j’ai pensé… comme je t’aime, mon fils.
Là, dans le temps suspendu, dans le métal broyant , j’ai eu envie de ses bras,
de l’absolue tendresse de ses mains et de son souffle dans mon cou,
envie de le couvrir d’amour et de salive une dernière fois,
et tandis que le moteur traversait le tableau de bord en engloutissant mes jambes, j’ai eu envie de lui demander pardon.
Pardon.
Pardon de partir mon petit garçon.
Pardon de partir par distraction sans t’avoir donné les armes qu’il faut pour le combat qui s’annonce.
Car un jour tu devras te battre, mon beau.
Te battre pour toujours et jusqu’à ton dernier souffle contre les armées de la connerie, de nos peurs et de nos certitudes.
Combattre comme un lion pour rester libre et tendre dans ce monde pleins de camions.
Doute toujours. Aime toujours.
Crie au monde ces doutes et ces amours parce que le monde n’a besoin que de ça.
J’aurais voulu des bitures par paquets,
d’la bombe de dancehall et des banquets.
À 2h30 sur la A40, ce que mon avenir peut me manquer…