Ana Marques Gastão (Lisbonne, Portugal) est poétesse, essayiste, auteure, entre autres, de Nós/Nudos – 25 poemas sobre imagens de Paula Rego (2004, traduit en français sous le titre Noeuds par Catherine Dumas, Fédérop, 2007), Lápis Mínimo (Un bout de crayon, 2008), Adornos (Atours, 2011), L de Lisboa (L de Lisbonne, 2015) et O Olho e a Mão ( L’oeil et la main) avec Sérgio Nazar David (7/Letras 2018). Elle a publié As Palavras Fracturadas (Les Mots fracturés, essais, 2013). Certains de ses poèmes ont été traduits en castillan, catalan, anglais, français, allemand, slovène et roumain.
Elle a organisé le livre d’entrevues O Falar dos Poetas (La Parole des poètes,2011), et a assuré l’édition du volume d’essais d’Ana Hatherly, Esperança e Desejo – Aspectos do Pensamento Utópico Barroco (Espoir et désir. Aspects de la pensée utopique baroque, 2017) dont elle a écrit la préface. Elle coordonne la revue Colóquio-Letras de la fondation Calouste Gulbenkian.
Chercheuse auprès du CLEPUL (Centro de Literaturas e Culturas Lusófonas e Europeias da Faculdade de Letras da Universidade de Lisboa – Centre de littératures et cultures lusophones et européennes de la faculté des lettres de l’université de Lisbonne) et avocate, elle est diplômée de l’Université catholique du Portugal et a été rédactrice culturelle pendant plus de vingt ans.
Photo : Ana Oswaldo Cruz
« Blanc »
Pour une fois raconte comment le corps s’ajuste à la surface
Nós/Nudos, Gótica, 2004, (« Noeuds »), éd. Fédérop, 2007. Traduction : Catherine Dumas
de tes mots. Parle d’un après antérieur, de ce sommeil
dément dans la fissure de la lumière ; du vol violent, de la blessure
cyclique, l’absence insistant sur la peau quand à une heure indue
tu parfumes mes mains. La chaleur s’étend aux lèvres,
l’été simule la durée dans le vers, l’eau circule, vigoureuse
au fond du puits jusqu’à disparaître dans le lit muet.
Rien n’est ce qu’il paraît, on se souvient de ce qu’on oublie et je dis :
les doigts nus dissolvent en ta bouche le miel à fleur
d’épaves. Regarde-moi : pose ton regard sur ma robe, enlève-la moi
en un geste d’ivresse précipité comme à un prisonnier,
les poissons montent lestes dans le lac immodéré et la nuit revient,
lente, endormie. Je te donne ce que je n’ai – l’histoire
d’un fleuve exultant qui explose dans la bouche en version romantique,
poème dépourvu de sillons tragiques ou de discours complets. Et toi,
tu me donnes ce que je suis : métaphore hurlant son mal là où s’achève le texte.