Un poème, un pays

FRANCEHélène Fresnel

Une terre où trembler

Mais je suis allée jusqu’au matin
Il esseule il extasie
Jusqu’à la nuit pierre
Elle est encore elle dure
Jusqu’à la matière
Du lit noir au lit bleu j’ai lu jusqu’au chemin
De tes mots ou de tes lèvres
Je ne sais plus, déjà
J’ai lu dans ton existence
Mes failles, mes légitimes
Des cryptes de contacts au lieu des aplats blancs
Ce soir je regarde la pluie
Les yeux dans l’évident
Il y a des signes purs exempts de dénouement

*

Tu n’es pas revenu et ce soir
Le lieu du rendez-vous brûle sous le vent noir
Royaume – Cible du ciel où s’en­gage une flamme
Royaume – Enoncé de la nuit vé­cue et illusoire
Je te parle d’à travers la fore
Je te parle d’à travers la fore
L’ombre de ton visage maintient le territoire
Je me tourne vers lui Royaume et lui redis :
– Je t’engage
Etends les terres mongoles et retiens notre histoire
Avant une nouvelle heure
Avant un nouveau leurre
Il faut jouer la victoire
Mon amour je te parle à travers l’amphore
Et le sable du temps qui mange ton image

*

La digue à Colombo ne cédait rien
Ni habillée par les passants, ni trouée par les yeux des animaux perdus
Quelles nouvelles? Du premier pas, quelles nouvelles?
Dans tes pays hors des escales même phénomène
Des buildings naissaient de fe­nêtres en mâchoires ou carrés de tes ombres
Rien pour débander l’île
Dont la coque est un livre
Je pars sous l’alphabet la mousson la moiteur
Défie le jeu du drone ou l’avenir se rétracte
Et j’attends le déclic
Ombrelles tropicales
Etes-vous comme lui
L’autre du monde
Une tige infinie
Dont le cap a l’attrait des centres disparus

*

Avant et après moi dans l’illisible noir
Je surprends ce qui dure
Je parle d’une pierre
C’est un contrepoint blanc
Ni dehors ni dedans
Sa couleur jure
Son oeil me ment
Disculpé par le ciel
Une pierre
Déclenche en me fixant
Un flash d’espoir

*

Sous le grand tapis blanc des élé­ments perdus
Non ce n’était pas juste les di­manches – tous les jours inconnus –
Sous le tremblement du feu déchu
Que retrouver
La terre nage
Les eaux ont fait naufrage
Quelqu’un s’en est-il souvenu?
On a beau agrafer des paysages
Tenter la traversée des pages
De branche en branche comme un voilier
Les questions continuent
Comment ont-ils pu avaler
En silence
Nos corps
Nos crues ?
Aux dires de la pluie sauvage
Ils ont commencé par nos noms
Pas de ressort, sous ce tapis
Pas de salut.