Grande nuit de la poésie, 16 mars 2019

Retour en images sur le rendez-vous phare du festival 2019 à neimënster, avec nos dix poètes pour une longue soirée, belle d’intensité et d’intimité. Photographies de Delia Pifarotti.

Ouverture, 15 mars 2019

Découvrez en images le premier rendez-vous du festival 2019 au Luxembourg Learning Centre de l’Université du Luxembourg, avec les photographies de Delia Pifarotti.

Remise des prix Jeune Printemps 2019

Découvrez en images la cérémonie de remise des prix Jeune Printemps 2019, en présence de la ministre de la Culture Sam Tanson, avec les photographies de Tammy Steffen-Koenig. À l’année prochaine !

Présentation : Marta Podgórnik

Marta Podgórnik – née en 1979, poète, rédactrice, critique littéraire, traductrice, conférencière dans des ateliers de création littéraire. Lauréate (à l’adolescence) du concours littéraire le plus prestigieux de Pologne pour les débutants – le prix Jacek Bierezin (1996), ainsi que de nombreux prix et distinctions pour les recueils suivants. Participe à des projets de traduction internationaux. Auteure de 11 recueils de poèmes, rédactrice de nombreux recueils de poèmes et anthologies. Depuis vingt ans, elle est associée à la maison d’édition Biuro Literackie, où elle est responsable, entre autres, du département de débutants. Elle vit en Haute-Silésie.

La caractéristique essentielle de sa poésie peut être considérée comme une combinaison de thèmes personnels (où la poète parle souvent d’un manque de contrôle sur la vie et exprime des émotions violentes) avec la discipline intellectuelle apparemment froide, exprimée dans la forme ostensiblement précise d’un poème.

Photo : Wiacek

“Ovulation Blues”

Nothing for it these days but Lipton tea with
chapbooks by Bohdan Zadura or practicing elocution
in front of the brown mirror.

At the bus stop, blowing your nose straight into
the trash, holding one nostril,
and in the Czech manner mixing up the bus numbers,
but it makes no difference: they both end up at the same place.

Nothing for it but washing your hands of everything
that matters and doesn’t, of all the lost battles,
once and for all. Accidentally breathing in the dust
from the soles of your shoes, by the street lamp a winking eye:
a run in your fishnet stockings.

They call this a wide frame of reference
if it means something to anyone.

nothing for it these days but recycling bottles
for more emptiness, for more

translated by Marit MacArthur and Tomasz Dobrogoszcz

Présentation : Miriam R. Krüger

Miriam R. Krüger, poétesse, dessinatrice, artiste plurielle est active dans les milieux artistiques et littéraires au grand-duché et à l’étranger. Ses premières publications se sont faites entre 1997 et 2001 dans le magazine Apertura (grand-duché de Luxembourg). Elle a publié plusieurs recueils de poèmes multilingues : Sentir (2010), Potpurri (2011) et Ego (2011). En 2017 sort son livre d’artiste Heartist : poésie visuelle, un mélange de compositions graphiques et de textes en trois langues.

En 2011, elle est nommée poète ambassadrice au Luxembourg par le Mouvement international des femmes poètes et organise depuis annuellement au mois de mars l’événement artistico-littéraire « Cri de femme », en hommage aux femmes victimes de violences.

En 2015, elle est incluse dans le Dictionnaire des auteurs luxembourgeois.

En 2016, elle est invitée au Printemps des poètes de Vittel (France).

À partir de 2016, elle invite régulièrement des acteurs du milieu culturel au grand-duché à apporter leurs témoignages ou réflexions sur le sujet de la violence faite aux femmes. En 2018, les textes recueillis font l’objet d’un projet audiovisuel intitulé Tous unis dans un même cri.

Photo : Paulo Lobo

« J’ai pensé »

J’ai pensé ouvrir les portes de ta poitrine
À deux battants,
Entrer sans annoncer.
J’ai pensé déchirer
Les murs de ton âme
Jusqu’à les rendre
Fragiles comme le cristal
Entrer dans ton cœur
Le frapper,
Le griffer
Jusqu’à le voir saigner,
Mais après avoir ouvert
Les portes de ta poitrine
Et cherché péniblement
Je me suis rendu compte
Que tu n’avais
Ni âme ni cœur.

Vorstellung: Anna T. Szabó

Poet, writer, translator. She was born in Transylvania (Romania) in 1972, moved to Hungary in 1987, studied English and Hungarian literature at the University of Budapest, and received her PhD in 2007. She has published nine volumes of poetry for adults and seven for children, written ten plays, and has received several literary prizes. She has translated many poems and lyrics, essays, novels, drama, radio plays and librettos, occasionally writes essays, articles and reviews, and took part in the popular literary competition series in television (Nyugat, Szósz, Lyukasóra). She also performs poetry together with several jazz and classical musicians, while working as a freelance writer and translator. She lives near Budapest with her husband the novelist György Dragomán and their two sons.

„Verläßt mich”

Sie verrät und verläßt mich.
Sie stößt mich aus und verläßt mich.
Nährt mich aus sich und verläßt mich.
Wiegt mich, verläßt mich.
Streichelt mir die Sohlen, putzt mir den Po,
kämmt mir das Haar und verläßt mich.
Ich trink’ ihren Duft, sie drückt mich an sich:
„Ich verlasse dich nie” und verläßt mich.
Sie heuchelt, lächelt: „Hab keine Angst!”
Ich friere, hab Angst – sie verläßt mich.
Sie legt sich abends zu mir auf das Bett,
dann schleicht sie davon und verläßt mich.
Groß ist sie, warm, mein lebendiges Nest,
sie küßt mich summend, verläßt mich.
Sie füllt mir die Hände mit Zuckerwerk,
hier, nimm und iß – und verläßt mich.
Ich heule und tobe, drück sie an mich,
halte, haue und doch: sie verläßt mich.
Sie verschließt die Tür und blickt nicht zurück,
ich bin ein Nichts, wenn sie mich verläßt.
Ich warte auf sie wie ein zitterndes Tier,
sie kommt, umhalst und verläßt mich.
Ich will sie, das Leben ist Tod ohne sie,
sie hebt und wärmt und verläßt mich.
Ihr Arm ist schwer, doch ihr Schoß ist mein Haus,
ich will nur sie – sie verläßt mich.
Eins muß ich lernen, ich bin nicht sie,
fremd ist sie, fremd, und verläßt mich.

Weit ist die Welt, du wirst schon erwartet.
Du findest schon eine, die du verläßt.
Schließe die Tür und blick nicht zurück:
warten ist leichter, fahren ist schwer,
eine verrät dich, eine verwaist,
eine wird warten, eine sich fürchten,
eine geht immer ohne Wiederkehr,
die dich gebiert und stirbt und verläßt dich.

aus dem Ungarischen von György Buda

Présentation : Carla Lucarelli

Carla Lucarelli, née en 1968 à Luxembourg. Études de lettres françaises et d’histoire de l’art, parallèlement, études théâtrales. Cinq de ses poèmes paraissent dans l’anthologie La poésie érotique féminine française contemporaine (Paris, 2011). En 2012 paraît aux éditions Phi Aquatiques, son premier recueil de poésie. Dekagonon, paru en 2016, est quant à lui un recueil de poésie bilingue (allemand et français). En 2013, elle signe à la fois Terrains vagues, un recueil de 22 récits courts, et son premier roman, Carapaces. En 2017 paraît La Disparition de Wanda B, son deuxième roman.

« Mouvement 6 »

Une pierre
La regarder
Remuer
Faire des vagues
Se répandre dans l’eau froide
Étendre ses plis
Réagir aux secousses
Et se répandre
Se dissoudre
Soi-même
Au loin
Dans ces vagues
S’en aller

Présentation : Mia Lecomte

Mia Lecomte vit entre Viareggio et Paris. Elle est poète et auteure de textes pour le théâtre et pour les enfants. Parmi ses dernières publications : les recueils poétiques Intanto il tempo (2012) et Al museo delle relazioni interrotte (2016) ; le livre de récits Cronache da un’impossibilità (2015) ; et le livre pour les enfants L’altracittà (2010). Ses poèmes ont été publiés en Italie et à l’étranger dans de nombreuses revues littéraires et anthologies, et en 2012 chez l’éditeur canadien Guernica a paru le choix bilingue de ses poèmes For the Maintenance of Landscape.

En 2009, elle a créé la Compagnia delle poete, dont elle fait partie, un groupe théâtral de poètes étrangères italophones, qui font des performances poétiques basées sur la contamination des langues et des cultures, ainsi que sur des langages artistiques différents.

Elle est critique littéraire dans le domaine de la de la littérature transnationale italophone, à laquelle elle a dédié l’essai Di un poetico altrove. Poesia transnazionale italofona (1960-2016) (2018) ; elle est la curatrice des anthologies Ai confini dei verso. Poesia della migrazione in italiano (2006), A New Map. The Poetry of Migrant Writers in Italy (2011), Sempre ai confini del verso. Dispatri poetici in italiano (2011).

Elle est rédactrice de la revue semestrielle de poésie comparée Semicerchio et elle collabore à l’édition italienne du Monde Diplomatique.

Elle crée en 2017 l’agence littéraire transnationale Linguafranca.

Photo : Enzo Cei

« Barbapapa »

Il remonte à lui-même depuis l’une de ses courbes roses
et reprend lentement son image de père après
avoir été treuil, clou, botte
mur, sur mur, sur mur, sur mur
le fil de fumée attaché au bouton
il retourne libre à sa graine inhumaine
lui qui a été ours, passereau, anguille
mouche, lézard, quelque microbe guépard
son action plus d’une fois risible
Rachète sa famille de mâle
avec son épouse plus que noire et ses enfants de sept couleurs
mais il a désormais été oreille, front, thorax
une fesse jumelée à l’autre, le genou
plié sur l’hallux, le petit doigt, un poil retroussé
de pubis, la voix au-dessus de la lèvre nasale
il se retrouve lui-même confit dans son nom
recouvert de plusieurs couches de rose
il use d’arguments divers pour donner à ses proches
l’idée d’une hypothèse molle qu’il s’agit de dissiper
quoi qu’il en soit dans les passages
s’employer à dissiper encore

Présentation : Amandine Marembert

Amandine Marembert est née en 1977. Elle vit à Montluçon, dans le centre de la France, où elle enseigne le français. Elle anime depuis 1998 la revue et les éditions Contre-allées avec Romain Fustier. Elle a reçu des bourses d’écriture du Centre National du Livre en 2005 et en 2009. Elle a été lauréate du prix des Trouvères des lycéens en 2009, du prix Jean Follain en 2014 et du prix des Découvreurs en 2018. Elle aime travailler avec des plasticiennes, notamment Valérie Linder, Diane de Bournazel, Audrey Calleja. Elle est attentive aux regards, aux gestes qui nous accompagnent et à leur transmission. Elle interroge la signification des silences. Le jardin l’habite entièrement. Un jour elle a dit : « En écrivant, je voudrais parler un peu la langue du linge pour tourner et retourner les voix, suivre leurs intimes plis, les étendre au fil et les entendre bruire au jardin. »

Entrebâillements, La Porte, 2002.
Elle(s) si tant est que, Les Carnets du Dessert de Lune, 2005.
Il pleut dans la chambre cette nuit, préface de Vénus Khoury-Ghata, Décharge & Gros Textes, collection « Polder », 2006.
Il a plus qu’un papillon de nuit, La Porte, 2007.
À perpète, Pré carré, 2007.
Ce train  n’accueille pas de voyageurs, Les Carnets du Dessert de Lune, 2008.
L’ombre des arbres diminue à certaines heures du jour, Wigwam, 2008.
Toboggans des maisons, illustrations d’Audrey Calleja, L’Idée bleue & Cadex, collection « Le Farfadet bleu », 2009.
Du baume stick dans la douceur, illustrations de Valérie Linder, La Yaourtière, 2009.
Mon cœur coupé au sécateur, Henry & Ecrits du Nord, 2009. (prix des Trouvères des lycéens)
Coquelillages, Le Chat qui tousse, 2009.
Un petit garçon un peu silencieux, dessins de Diane de Bournazel, Al Manar, 2010.
Chambres, Ficelle, illustrations de Claire Laporte, 2010.
N’écris plus je ne répondrai pas, illustrations de Valérie Linder, Le Frau, 2011.
Les corps oublient-ils ?, peintures d’Aaron Clarke, Centrifuges, 2012.
Neige tremblée, La Porte, 2012.
L’amour le jardin, Pré Carré, 2012.
Je fleuris la terre ma robe, Le Petit Pois, 2013.
Et s’il ne parlait pas ?, Les Arêtes, 2013, réédition, 2014. (prix Jean Follain 2014)
Les gestes du linge, illustrations de Valérie Linder, Esperluète, 2014.
Les cerises ne sont pas des lèvres, illustrations de Diane de Bournazel, Al Manar, 2014
Renouées, avec des poèmes et des monotypes de Luce Guilbaud, préface de Marie Huot, Le Petit Pois, 2014
Une et plusieurs, illustrations de Valérie Linder, Donner à voir, 2014
Taille-douce (tu as ouvert une fenêtre dans ma haie),Le Petit Flou, 2014
Une eau sans bord, illustrations de Valérie Linder, Le Frau, 2015.
Né sans un cri, Les Arêtes, 2016 (Prix des Découvreurs 2017-2018)
C’est des poèmes ?, illustrations de Valérie Linder, Cadex, 2016.
Brique pilée, avec Romain Fustier, La Porte, 2017.
Fable élémentaire, avec Valérie Linder, Dès ce matin éditions, 2018.
Patienter le temps, avec Valérie Linder, Dès ce matin éditions, 2018.

Photo : Michel Durigneux

les oiseaux vont boire le soir par nuées à la rivière
le chat dort en rond dans un creux de paille
un grand lièvre et un chevreuil ont croisé nos phares
les bêtes nous creusent

Présentation : Ana Marques Gastão

Ana Marques Gastão (Lisbonne, Portugal) est poétesse, essayiste, auteure, entre autres, de Nós/Nudos – 25 poemas sobre imagens de Paula Rego (2004, traduit en français sous le titre Noeuds par Catherine Dumas, Fédérop, 2007), Lápis Mínimo (Un bout de crayon, 2008), Adornos (Atours, 2011), L de Lisboa (L de Lisbonne, 2015) et O Olho e a Mão ( L’oeil et la main) avec Sérgio Nazar David (7/Letras 2018). Elle a publié As Palavras Fracturadas (Les Mots fracturés, essais, 2013). Certains de ses poèmes ont été traduits en castillan, catalan, anglais, français, allemand, slovène et roumain.

Elle a organisé le livre d’entrevues O Falar dos Poetas (La Parole des poètes,2011), et a assuré l’édition du volume d’essais d’Ana Hatherly, Esperança e Desejo – Aspectos do Pensamento Utópico Barroco (Espoir et désir. Aspects de la pensée utopique baroque, 2017) dont elle a écrit la préface. Elle coordonne la revue Colóquio-Letras de la fondation Calouste Gulbenkian.

Chercheuse auprès du CLEPUL (Centro de Literaturas e Culturas Lusófonas e Europeias da Faculdade de Letras da Universidade de Lisboa – Centre de littératures et cultures lusophones et européennes de la faculté des lettres de l’université de Lisbonne) et avocate, elle est diplômée de l’Université catholique du Portugal et a été rédactrice culturelle pendant plus de vingt ans.

Photo : Ana Oswaldo Cruz

« Blanc »

Pour une fois raconte comment le corps s’ajuste à la surface
de tes mots. Parle d’un après antérieur, de ce sommeil
dément dans la fissure de la lumière ; du vol violent, de la blessure
cyclique, l’absence insistant sur la peau quand à une heure indue
tu parfumes mes mains. La chaleur s’étend aux lèvres,
l’été simule la durée dans le vers, l’eau circule, vigoureuse
au fond du puits jusqu’à disparaître dans le lit muet.
Rien n’est ce qu’il paraît, on se souvient de ce qu’on oublie et je dis :
les doigts nus dissolvent en ta bouche le miel à fleur
d’épaves. Regarde-moi : pose ton regard sur ma robe, enlève-la moi
en un geste d’ivresse précipité comme à un prisonnier,
les poissons montent lestes dans le lac immodéré et la nuit revient,
lente, endormie. Je te donne ce que je n’ai – l’histoire
d’un fleuve exultant qui explose dans la bouche en version romantique,
poème dépourvu de sillons tragiques ou de discours complets. Et toi,
tu me donnes ce que je suis : métaphore hurlant son mal là où s’achève le texte.

Nós/Nudos, Gótica, 2004, (« Noeuds »), éd. Fédérop, 2007. Traduction : Catherine Dumas