Un pays, un poème: la Roumanie

LA PLANÈTE POLICE
de Bogdan Ghiu


Tout d’un coup un bon matin presque à la même heure tous les commissariats et postes de police et toutes les casernes et unités militaires d’une bonne partie du monde civilisé ont commencé à s’agglomérer

En très peu de temps on s’est rendu compte Quelle surprise Qu’il n’y en avait pas assez ni assez de place Surpris à leur tour alarmés les policiers et les militaires ont cru qu’ils étaient attaqués pris d’assaut que leur heure avait sonné que les gens venaient enfin leur demander des comptes même s’il y avait paix et que la presse avait cessé depuis longtemps à les montrer du doigt

Au plus grand émerveillement de toutes les forces d’ordre bientôt il s’est avéré que la population donnant enfin cours à une vieille consigne souhaitait la parfaite Tranquillité et Sécurité Ordre et Paix et tout le monde femmes et hommes vieux et jeunes élèves et professeurs etc étaient venus s’inscrire dans la police et dans l’armée Se faire dignes policiers et soldats pour qu’ils puissent vivre dans la Justice Aucun pouvoir ne devait plus les séparer


(Traduction: Marieva Ionescu)

Poème lu par l’auteur, en roumain

BIOGRAPHIE. Bogdan Ghiu (né 1958, Bucarest) est poète, essayiste (littérature, philosophie, médias, architecture et urbanisme, art contemporain), traducteur, théoricien et pédagogue de la traduction, journaliste, réalisateur de radio-télévision roumaine.

Il fait ses débuts en 1982 en tant que poète, dans le volume collectif Cinci (Maison d‘édition Litera), puis continue à publier de la poésie, dans des volumes individuels et collectifs, ainsi que des essais et des traductions.
En tant que poète, il a publié : «46 calligrammes utiles» (Neuf poètes, Ed. Cartea Românească, 1984) ; «Le manuel de l‘auteur» (Cartea Românească, 1989), «Le poème avec un côté d‘un mètre» (Pontica, 1996), «L‘art de la consommation» (Cartea Românească, 1996), «Arhipelogos» (Axis, 1997), «Pantalon et chemise» (Pontica, 2000), «Le manuel de l‘auteur» (Cartea Românească, 2004), «Le poème en carton / Traces de destruction sur Mars» (Cartea Românească, 2006), «L‘œuvre poétique» (Paralela 45, 2017), «Avec n‘importe quoi est possible» (Nemira, 2019).

En tant qu‘essayiste, il est l‘auteur des titres suivants : «Grame» (Cartea Românească, 1997), «La trilogie Moyen Age» (I : L‘Œil de verre. Textes sur la télévision, All, 1997 ; II : Moyen Age ou l’Homme terminal, Idea, 2002 ; III : Telepitecapitalism, Idea, 2009), Faculté de Lettres. «Petit guide de mauvaise pensée» (Cartea Românească, 2004), «Moi l’artiste. La vie après la survie (code de barre pour l’avenir monstrueux de l‘art)» (Cartea Românească, 2008), «L’Inconstruction. Pour une architecture éthique» (Arhitext, 2011), «Dadasein» (Tracus Arte, 2011), «Contrecrise» (Cartea Românească, 2011), «La chaîne de production : travailler avec l‘art» (Tact, 2014), «Tout doit être traduit. Le nouveau paradigme (un manifeste)» (Cartea Românească, 2015), Pandémiocratie. «Kairos et le vide partagé (Contrecrise 2)» (Tact, 2020).

Bogdan Ghiu est également un important traducteur (plus de 70 titres) de la philosophie et de la littérature françaises contemporaines. Pour nombre de ces volumes, ainsi que pour nombre de ses traductions, il a reçu de nombreux et importants prix littéraires.

Un pays, un poème: l’Autriche

DENKMAL
de Mathilde Eglitz

du streichst über mich hinweg
als letzter abendwind
und du sprichst mit mir
über das warme untergehen der sonne
im gegenlicht stehen die strommasten
noch wie krieger in der welt mit ausgebreiteten armen
die waffen im anschlag
das letzte licht zieht linien
über einen blanken himmel
die keiner mehr lesen kann
es liegen
geteilte wolkenbälle
verstreut auf dem see
zitternd auf den kleinen wellenkämmen
ziehen das dunkle dem hellen vor
verlieren sich auf dem weg zu einem ziel
mit jedem augenblick geht eine
richtung verloren
die erde bebt und hebt
sich leicht an
wellen geraten ins wanken
lösen geschriebene seiten auf
keine nachrichten mehr die sichtbar wären
und langsam ruht wieder alles
ein kleiner vogel taucht ein

Meeresrauschen, un autre poème dans la voix de l’auteur.

BIOGRAPHIE. Mathilde Egitz wurde 1965 in Kufstein, Tirol geboren. Nach Beendigung ihrer Pfichtschulzeit, absolvierte Sie eine dreijährige Lehre als Fotografin, die Sie 1986 mit der Meisterprüfung abschloss.

1999 begann Sie das Studium der Komparatistik und Germanistik an der Leopold-Franzens-Universität in Innsbruck. Seit 2004 ist Sie selbständige Fotografn und betreibt gemeinsam mit ihrem Partner David Steinbacher ein Studio in Wörgl.

Im Jahr 2019 konnte Sie neben David Steinbacher in einer Kunst am Bau-Ausschreibung ein Gedicht veröffentlichen und alternativ gibt es weitere Publikationen in der „Tiroler Kunstbroschüre UND-Heft für Alternatives, Widersprüche und Konkretes“.

Un pays, un poème: le Portugal

CELUI QUI A MANGÉ MA CHAIR
de Francisca Camelo


c’était au temps où les familles
disposaient encore d’une remise
elles nettoyaient les squelettes mal pliés
et elles peignaient les palissades avant
que les voisins ne regardent
ou avant que n’arrive l’automne

les enfants se couchaient sur la paille
et durant leur sommeil
ils broyaient de leurs parents la violence
petit à petit
comme des graines de tournesol
mal germées

les femmes voyaient
des énigmes rouges leur pousser
sur les jambes
et tandis que l’été se déployait
elles ne parvenaient plus à marcher
arquées par le poids de la colère
qui se couchait sur elles

toutes les nuits
les femmes priaient:
mon dieu
celui qui a mangé ma chair
devra me ronger
les os.


(Inédit, 2022 / Traduction: Sonia da Silva)

Poème lu par l’auteur, en portugais

BIOGRAPHIE. Francisca Camelo est née à Porto en 1990: elle est poète et diseuse. Traduite au Mexique, en Espagne et en Allemagne, Francisca Camelo a publié plusieurs poèmes dans des anthologies et revues diverses au Portugal, en Espagne et au Brésil.

On peut notamment en lire dans des revues comme Enfermaria 6, Círculo de Poesía: Revista Electrónica de Literatura, gueto – revista literária luso-brasileira, Palavra Comum – Revista galega de artes e letras, Ruído Manifesto.
Francisca Camelo est l‘auteure de quatre recueils de poésie: «Cassiopeia» (Apuro Edições, 2018); «Photoautomat» (Enfermaria 6, 2019); «O Quarto Rosa» (demi-finaliste du Prémio Oceanos 2019, Corsário-Satã, Brési) et «A Importância do Pequeno-almoço» (Fresca Edições, 2020).

Tous les mois, elle organise la manifestation «SIN.CERA: poesia e conversas honestas» avec des poètes et poétesses invité.e.s.

Un pays, un poème: l’Italie

À NOS OISEAUX
de Fabrizio Bajec


si je pouvais m’établir tout près de vous
gentils oiseaux gris de nos jardins
picorant à l’ombre entre les fougères
quelques mets infimes je ne ferais
rien de très différent apprenez-moi
par vos manœuvres habiles
cet art qui n’a ni besoin de lumière
ni des louanges de mes pairs

(Traduction par l’auteur
)

Poème lu par l’auteur, en italien

BIOGRAPHIE. Fabrizio Bajec, de nationalité franco-italienne (1975), après des études de langue et littérature françaises en Italie, à l’Université de Viterbo (thèse de doctorat sur la révision du genre autobiographique), s’établit à Paris où il enseigne depuis 2008. Il est poète, auteur dramatique, et traducteur de William Cliff, ainsi que de dramaturges comme Christophe Pellet, Jean-Marie Piemme, et Adam Rapp.

Son premier recueil, Corpo nemico, paraît en Italie dans le «Huitième cahier de poésie italienne contemporaine» (2004). Une deuxième plaquette, Gli ultimi, est publiée en 2009, suivie d’un recueil plus ample, Entrare nel vuoto (2011, finaliste aux prix Giosuè Carducci, Giuseppe Dessì, et Città di Marineo). Il a écrit pour la scène des pièces représentées à Milan, Rome ou encore Viterbo. Sa première pièce écrite en français, «Rage», est mise en espace par les élèves de l’INSAS, sous la direction de David Strosberg, au Théâtre national de Bruxelles, en 2009, dans le cadre du festival de dramaturgie «Écritures» et paraît aux éditions tituli en 2017.

De 1999 à 2006, il écrit de nombreuses critiques et quelques essais sur la poésie pour la revue militante Annuario di poesia (Castelvecchi editore), dirigée par Giorgio Manacorda et Paolo Febbraro. Cette publication reste une référence pour la critique littéraire italienne (entre 1994 et 2012). Plusieurs revues ont accueilli ses poèmes, telles que «Nuovi Argomenti», «Le Fram», «Poésie Première», «Europe», «Le journal des poètes», «Décharges», «A l’indexe», et des sites littéraires, ainsi que des anthologies de la nouvelle poésie italienne: Samizdat (2005, Castelvecchi), Mosse per la guerra dei talenti (Fara, 2007), Poesia d’oggi (Elliot, 2016), Poesie del 2018 (a cura di Matteo Marchesini, Elliot).

Certains de ses poèmes ont été traduits en espagnol, anglais, portugais et suédois.

Un pays, un poème: la Catalogne

DEUX COUVERTS À TABLE
de Joan-Elies Adell (Catalogne)

Je mets maintenant la table, comme chaque soir,
en plaçant les choses là où il faut,
comme on s’y attend. Les couverts et les serviettes,
les verres et les assiettes. La bouteille de vin
et un peu d’eau. Je mets aussi la table
pour toi, tu le sais. Comme chaque soir.
Et je laisse l’espace que réclament
nos corps fatigués.
On mange et puis on regarde la télé
assis sur le divan. On se met à jour,
du monde et de nous-mêmes. On dit rarement
la stricte vérité. On ne ment pas non plus.
On adapte tout ce qui s’est passé
à une version allégée de la réalité,
sans rien mettre en danger.
Tout en sachant que la vie résiste
à être pénétrée par la vie elle-même.


(Traduction: Nathalie Bittoun Debruyne)

Poème lu par l’auteur, en catalan

BIOGRAPHIE. Né à Vinaròs (Castelló, Communauté valencienne) en 1968, il est poète et essayiste. Auteur des recueils de poèmes La matèria del temps (La matière du temps, 1994), Oceà immòbil (Océan immobile, 1995), A curt termini (À court terme, 1997), Un mateix cel (Un même ciel, 2000), Encara una olor (Encore une odeur, 2003), La degradació natural dels objectes (La dégradation naturelle des objets, 2004), Pistes falses (Fausses pistes, 2006), Si no et tinc (Si je ne t’ai pas, 2013), Escandall (Sonde, 2014), i Res no és personal (Rien n’est personnel, 2018). Il a édité l’anthologie La Tercera Illa. Poesia catalana de l’Alguer (La troisième île: poésies catalanes d’Alghero, 1945-2013) et a traduit les recueils de poésie Tema de l‘adéu i Encontres i paranys du poète Milo De Angelis. Il a publié le livre Guia sentimental de l‘Alguer (Guide sentimentale d’Alghero, 2016).

Adell a remporté les prix de poésie Alfons el Magnànim de Valence, la Fleur Naturelle des Jocs Florals de Barcelone, le Parc Taulí de Sabadell, en plus du prix de la critique des écrivains valenciens. Ses oeuvres sont traduites en plusieurs langues et parues dans plusieurs anthologies.

Il a été professeur de Théorie des Littérature et Littérature Comparée auprès de l’Universitat Oberta de Catalunya et professeur invité de l’Université de Caroline du Nord, à Charlotte. Il a dirigé la délégation du gouvernement de la Generalitat de la Catalogne en Alghero (2009-2017) et l’Institució de les Lletres Catalanes (2018-2019). Il habite à Alghero (Sardaigne).