Un jour, un poème (7)

István Kemény (Hongrie)

(c) MTI/Gyula Czimbal

Poète et écrivain, István Kemény est né en 1961 à Budapest. Son premier volume a été publié en 1984 et a été suivi de nombreux autres ouvrages parus tant en Hongrie qu’à l’étranger – recueils de poèmes notamment, mais aussi nouvelles, romans et essais qui ont fait l’objet d’une réception enthousiaste et d’abondantes études. Il a ainsi été publié en français, bulgare, allemand, polonais, roumain, espagnol. Sont parus en France Deux fois deux (Éditions Caractères, Paris 2008) et récemment Nil et autres poèmes (Rumeurs Editions, Paris 2022). István Kemény, qui a reçu de nombreux prix littéraires en Hongrie, est considéré comme l’un des maîtres de la poésie hongroise contemporaine. Son traducteur français Guillaume Métayer parle de « la voix singulière du grand représentant d’un postmodernisme lyrique et critique des marges intérieures de l’Europe, dont l’imaginaire teinté d’ironie se plaît à recueillir et exalter la profondeur dissonante et émouvante des mythes dans notre quotidien ».

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A tévé

A tévével voltam kölyök,

Egymással birkóztunk, együtt etettek,

engem tejjel, kenyérrel, őt árammal

és figyelemmel. Én felnőtt lettem,

ő állat, fenevad. Beszélni elfelejtett,

én megtanultam. A búcsúnál már

nem értettük egymást. Azt hittem, engem is

elfelejtett. Pár éve Romániában láttam.

Már színes volt,

de lánc volt az orrába fűzve, táncoltatták

a téren. Meglátott és kitépte magát.

Hozzám szaladt, az arcomat nyalta,

azt hitték, megöl, pedig csak

azt akarta, hogy vigyem haza.

De én egy vonathoz rohantam akkor, és a sorsára hagytam a tévét.

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La télé

J’ai été gosse avec la télé,

On se bagarrait, on nous donnait à manger ensemble,

moi, du lait et du pain, et elle, du courant

et de l’attention. Moi, je suis devenu adulte,

elle, animal, bête féroce. Elle a oublié le langage

et moi je l’ai appris. Au moment des adieux déjà

nous ne nous comprenions plus. Je pensais qu’elle m’avait oublié,

moi aussi. Il y a quelques années, je l’ai vue en Roumanie.

Elle était en couleur à présent, mais

elle avait une chaîne enfilée dans le nez, on la faisait danser

sur la place. Elle m’a aperçu et s’est approchée.

Elle a couru vers moi, m’a léché le visage,

On a cru qu’elle allait me tuer, mais elle voulait seulement

que je la ramène à la maison.

Mais moi, sautant dans un train,

j’ai laissé la télé à son triste sort.

(Traduction : Guillaume Métayer)