Un jour, un poème (8)

J. H. Krchovský

(République tchèque)

(c) Nela Klajbanova

Né le 22 avril 1960 à Prague, J. H. Krchovský fut influencé pendant sa jeunesse par le milieu de l’underground praguois et notamment par Egon Bondy. A partir de 1978, il fait paraître clandestinement nombre de textes plus tard repris dans des recueils, tous parus aux Editions Host, et réunis par la suite dans le volume Poèmes [Básně] (Host, 1998). Paraitront ensuite Dernier feuillet (Petrov, 2003), Au-dessus du même monde  (Host, 2004), Double fond  (Host, 2010), une anthologie Félicitations (Maťa, 1998), un choix de poésies de jeunesse, Jeunesse – Joie (Větrné mlýny, 2005) et en 2010 ses Poésies complètes (Host).

En 2014 sort en France Bestiale tendresse (Fissile Edition), 33 poèmes traduits du tchèque par Jean-Gaspard Páleníček qui sont « pures merveilles d’irrévérence et de rire noir, l’un de ces rires qui se font rares, qui évoquent Charles Bukowski, ou, plus loin de nous François Villon ». Une poésie qui est « éternelle obstination de la littérature face à la débâcle de la vie ».

De nombreux poèmes de Krchovský – auteur parmi les plus lus et les plus appréciés en République tchèque – ont été traduits dans des revues et anthologies étrangères (e.a. Anthologie de la poésie tchèque contemporaine 1945-2000 de Petr Král, Gallimard, 2002). Ils ont été fréquemment mis en musique par diverses formations de rock underground tchèques mais aussi par son propre groupe Krch-off (album Naposled, 2009, Guerilla Records).

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Děsím se krůpějí, jež zbydou ve sněhu

Děsím se krůpějí, jež zbydou ve sněhu
bojím se přemýšlet – krvácet na sníh
zítra až rozmotám při trpkém úsměvu
obvazy s otiskem mých dnešních básní

Zítra, než rozmočím ztvrdlý chléb v kafáči
musím se ujistit o dnešní noci
co bylo, přečtu si ze skvrny na fáči
– z bolesti zůstane jen temný pocit

Tak, jak čtou ze sazby pozpátku sazeči
já denně převracím otisk své rány
básně jsou v podivném, neznámém nářečí
– dá se jim rozumět jen když jsou psány…

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Je m’effraie des gouttes qui, dans la neige, vont rester

Je m’effraie des gouttes qui, dans la neige, vont rester
j’ai peur de réfléchir – de tacher la neige de sang
lorsque, dans un sourire amer, demain j’ôterai
mon bandage empreint des poèmes écrits maintenant

Demain, avant de tremper le pain dur dans le café
des travaux de la nuit dernière il faut que je m’assure
ce qui fut, je le lirai dans le pansement taché
– la douleur ne laissera qu’un sentiment obscur

Comme les typographes lisent l’épreuve à l’envers
tous les jours, je retourne l’empreinte de ma blessure
le dialecte étrange, inconnu de quoi sont faits mes vers
on ne peut le comprendre qu’au moment de l’écriture…

(Traduit par Jean-Gaspard Páleníček , Bestiale tendresse, Les Cabannes, Fissile, 2014)